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Les groupes en itinérance s’inquiètent de la montée de l’intolérance

Article et photo du Devoir. Lire l'article en ligne



Les groupes communautaires en itinérance de Montréal estiment que la crise actuelle n’est que « la pointe de l’iceberg » et dénoncent la montée de l’intolérance et du phénomène « pas dans ma cour ».


« Le fossé va continuer de se creuser entre les gens les plus nantis et ceux qui vivent dans la pauvreté et on va devoir se questionner comme société, parce que ce qu’on voit, en ce moment, ce n’est que la pointe de l’iceberg. Et si on continue comme ça, sans agir, ça ne va qu’empirer », lance Tania Charron, directrice de l’hébergement communautaire Ricochet dans l’ouest de l’île.


Rassemblés mercredi à La Livrerie, sur la rue Ontario à Montréal, pour le lancement de la revue Au-delà des chiffres publié par le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), les différents groupes ont martelé que le dénombrement officiel n’est pas représentatif de la réalité sur le terrain. Ils demandent au gouvernement d’écouter ce que les gens du terrain ont à dire, parce qu’eux sont capables d’aller au-delà des chiffres et de prévoir ce qui s’en vient.


« Ça fait des années qu’on s’époumone à dire à Québec qu’on est dans une crise des surdoses, mais on nous répondait toujours que les chiffres n’étaient soi-disant pas là. Et là, on est pris avec une crise sans précédent », illustre Martin Pagé de l’organisme Dopamine. « Les groupes communautaires ont une lecture du terrain, avec des données pas seulement quantitatives, mais qualitatives, donc on voit les choses arriver et il faut être à l’écoute de ces données-là. »


Et ce que les groupes voient actuellement venir, c’est la montée de l’intolérance. « Nous sommes extrêmement préoccupés par l’intolérance qu’on remarque dans nos quartiers », affirme Tania Charron. « C’est effrayant pour nous de constater l’intolérance qui monte et qui monte. On voit les problèmes sociaux qui augmentent et on se demande comment on va pouvoir être créatif pour continuer d’aider les gens, et comment on peut mobiliser collectivement nos quartiers pour aider ces personnes-là, parce que ça devient de plus en plus difficile. »


Prudence avec la vision Itinérance zéro

Annie Savage, du RAPSIM, abonde dans le même sens. « On voit une montée du phénomène du “pas dans ma cour” par des personnes domiciliées qui sont inquiètes, souvent mal informées. Et on peut comprendre cette crainte-là, mais je crois qu’elle est le symptôme d’un aveuglement et d’un manque d’écoute de la part de nos décideurs. »


Ils préviennent également le gouvernement de faire attention avant de se lancer dans une politique « Itinérance Zéro », une vision dont on parle de plus en plus ces dernières semaines.


« Au RAPSIM, on se tient loin de cette expression et on vous invite à être prudent face à ce discours, lance Annie Savage. Bien sûr que d’un point de vue philosophique, ça va de soi : qui ne rêverait pas d’un monde sans pauvreté et sans inégalité ? Mais dans les faits, la vision sur l’itinérance zéro s’implante à travers des lois qui découragent l’état de mendicité et judiciarise le fait d’être en situation d’itinérance au détriment de politiques qui visent de réels changements. »


« Éliminer l’itinérance devient alors juste d’autres mots pour parler de répression, de déplacement et de violence à l’égard de personnes qu’on ne veut pas voir et qu’on cherche à faire disparaître », déplore Mme Savage.


Les visages de l’itinérance

Le rapport « Au-delà des chiffres » fait le point sur les visages de l’itinérance à Montréal à travers différentes thématiques et quartiers. On aborde les différentes réalités vécues par les femmes, les aînés, les jeunes, les personnes autochtones et racisées, les personnes en couples, handicapées et LBGTQ+. On y parle également de logement, de consommation et de santé mentale.


Comme l’a rapporté Le Devoir, les logements extrêmement précaires se multiplient : des locataires vulnérables paient le gros prix pour vivre dans des stationnements souterrains convertis en chambres, dans un sous-sol lugubre sans eau courante ni électricité, sur un matelas dans une cuisine, ou dans des cages d’escalier. De plus, les femmes craignent d’être agressées dans les refuges mixtes.


Le dernier recensement de l’itinérance visible, publié le mois dernier, faisait état d’une augmentation de 44 % de l’itinérance au Québec. Ce sont pas moins de 10 000 personnes qui se trouvent en situation d’itinérance. Et ce chiffre est assurément plus élevé à cause de « l’itinérance cachée », souligne le RAPSIM dans le rapport.


« Au-delà des chiffres et des mots, du nombre de personnes en situation d’itinérance ou de leur profil, ce qui devrait nous importer, notre seule préoccupation, devrait être leur expérience humaine, leur dignité et leur sécurité », conclut Tania Charron.

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